Course à pied et Étirements
Si vous êtes comme moi, vous gardez probablement un souvenir contrasté des cours de sport au collège. Et bien sûr, vous détestiez la course à pied — il faut avouer qu'apparemment dans la tête de mon prof d'EPS, courir se résume à faire des tours de piste pendant 40 minutes, avant de nous renvoyer en classe sans prendre une douche (true story). Résultat : vingt ans plus tard, je n'arrive toujours pas à prendre plaisir à courir sur une piste (mais ça, c'est une autre histoire).
Bref, nous ne sommes pas ici pour que je vous écrive le roman de mes jeunes années, mais bien parce que de cette époque est resté un souvenir de recommandation sportive : l'étirement indispensable avant, et après chaque séance de sport. Tirer sur les tendons d'Achille, les mollets, les cuisses, tous les ados de mon époque y ont eu le droit, deux fois par heure de classe.
Soi-disant, cela éviterait les blessures, et si nous voulions continuer à faire du sport plus tard, il fallait en prendre le réflexe.
Encore aujourd'hui, sur plusieurs blogs écrivant sur le sport, j'ai pu retrouver cette affirmation : s'étirer avant et après le sport serait indispensable à la prévention des blessures et éviterait les courbatures.
Alors, cet étirement indispensable mythe ou réalité ?
Étirement — Naissance d'un mythe
La recommandation de l'étirement serait née dans les années 80, notamment via les guides de l’American Society of Sports Medicine, qui, encore en 2010, écrivait dans son ACSM's Guidelines for Exercise Testing and Prescription :
A single exercise session should include the following phases:
• Warm-up
• Stretching
• Conditioning or sports-related exercise
• Cool-down
(Pour les non-anglophones : “Une session d'exercice doit contenir les phases suivantes : échauffement, étirements, exercices, retour au calme”)
Note : ils le répètent peut-être dans une édition plus récente, mais je n'ai pas pu m'en procurer, malgré toutes mes skills en recherches Google pour déterrer des pdfs cachés 😉
Depuis des années, les conseils étaient clairs : étirez-vous avant de courir, pour éviter les blessures, et étirez-vous après, cela pourra vous éviter les courbatures. D'ailleurs, cette idée à la vie dure : j'imagine que si vous posez la question au premier non-sportif de votre entourage (Coucou maman!), il/elle vous dira qu'il est indispensable de s'étirer (un conseil qui sera sûrement accompagné d'un flash-back post-traumatique de cours d'EPS).
Pour les sportifs, c'est peut-être un peu différent : un sondage de haute qualité scientifique réalisé dans une de mes stories Instagram a affiché les résultats suivants : 13% des répondants ont dit s'étirer avant l'effort, 24% après.
Bilan ? Soit mes followers sportifs pensent qu'il faut s'étirer, mais ne sont pas disciplinés, soit ils savent que cette recommandation de l'étirement n'était qu'un mythe.
Étirement — Aujourd'hui : quand, comment ?
En fait, aujourd'hui, on viendrait plutôt conseiller le contraire : ne pas s'étirer, du moins pas juste avant, ni juste après l'exercice. La Clinique du Coureur (oui encore ce bouquin) titre même un de ses chapitres “Étirements : arrêtons d'étirer l'élastique".
S'étirer juste avant, un remède contre les blessures ?
Juste avant la course à pied, on ne recommande pas les étirements. Cela pourrait assouplir des tendons et des muscles qui n'ont pas lieu d'être assouplis pour la course à pied, et augmenterait les risques de blessures, tout en diminuant les performances.
Ce qu'on sait aujourd'hui est que le fait de s'étirer diminue les performances en termes de force, de vitesse, d'impulsion et d'endurance, (voire) augmentent potentiellement le risque de blessures !
Un papier récent intitulé Ten simple rules for better running a d'ailleurs passé en revu 23 autres articles de recherches et conclut qu’il n'y a aucune preuve que les étirements sont efficaces à titre préventif, c'est-à-dire si vous ne présentez aujourd'hui aucune blessure :
A recent systematic review described evidence from 23 primary studies and concluded that stretching does improve performance in running as estimated by force, speed, or economy.
(Pour les non-anglophones : “Une revue systématique de 23 études a conclu que les étirements n'améliorent pas les performances de course à pied, que ce soit la force, la vitesse, ou l'économie de course”)
D'ailleurs, si vous avez un peu de temps, je vous invite à lire ce papier, relativement court tout étant très instructif — les “Running rules” n'occupent que l'équivalent d'une page 😎.
S'étirer juste après, la solution contre les courbatures ?
Tout simplement, juste après l'effort, cela aurait pour effet de vous faire “tirer” sur des tendons et des muscles déjà fragilisés par l'effort.
Quant à la protection contre les courbatures, même conclusion — un mythe :
Les étirements avant, pendant, ou après l'exercice n'ont aucun effet préventif ou curatif sur la survenue, la durée et l'intensité des courbatures. Des étirements excessifs peuvent même être à l'origine de certaines courbatures.
Encore une fois, on peut se tourner vers un autre article scientifique :
The evidence from randomised studies suggests that muscle stretching, whether conducted before, after, or before and after exercise, does not produce clinically important reductions in delayed‐onset muscle soreness in healthy adults.
Stretching to prevent or reduce muscle soreness after exercise
(Pour les non-anglophones : “Les résultats des tests randomisés suggèrent que les étirements, qu'ils soient réalisés avant, après, ou avant et après l'effort, ne produisent aucun effet prouvé cliniquement sur la réduction des courbatures")
S'étirer plus tard, est-ce que ça améliore la souplesse musculaire ?
Ça par contre… c'est vrai, mais à une condition : que les étirements soient faits à distance de l'entraînement, c'est-à-dire sur des muscles reposés.
En clair, une séance d'étirement, une à deux fois par semaine, peut permettre d'augmenter la souplesse musculaire, ce qui peut être bénéfique pour la course à pied, notamment
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Quand on pratique le trail : cette discipline demande parfois (qui a dit souvent ?) une amplitude plus large des jambes, et avoir plus de souplesse musculaire peut permettre de mieux aborder les passages techniques.
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Quand on veut aller plus vite : cette souplesse accrue permet une meilleure amplitude de foulée — un terme compliqué à caler en soirée pour frimer, qui signifie tout simplement que vous pourrez effectuer de plus grands pas pendant votre course.
En clair, l'étirement peut avoir des bénéfices : améliorer la mobilité du corps, faire gagner en amplitude, ou tout simplement… être un moment relaxant. Mais seulement, il existe une contrepartie : ne pas s'étirer directement après l'effort, mais bien à distance !
S'étirer régulièrement, à distance des entraînements, pourrait avoir un effet bénéfique sur l'incidence des blessures, (…) et augmenter la capacité à courir vite.
Alors, on fait quoi ?
Avant l'exercice
Avant l'exercice, plutôt qu'un étirement, il est préférable de préparer le corps graduellement à la gestuelle à venir, par exemple en marchant un peu, puis en trottinant, avant de débuter la course.
Sur des séances plus intenses (par exemple du fractionné), on peut découper en plusieurs phases : échauffement de la température du corps par un footing léger, préparation du corps avec des éducatifs (lever de genoux, talons fesse…), et enfin une ou deux séries à pleine intensité, mais à durée courte.
Après l'exercice
Une douche.
À distance de l'exercice
Lors de vos sessions d'étirements (toujours à distance de l'effort, oui, je me répète, je sais), vous pouvez vous inspirer de ce guide de La Clinique du Coureur pour améliorer votre souplesse.
Ensuite, pour varier, une petite recherche Google devrait faire votre bonheur 😉.
En conclusion
Pour conclure, j'ai oublié les conseils de mon prof d'EPS — il faut dire qu'en même temps, je ne l'ai pas vu courir de toute ma scolarité, je ne vais pas à me priver de remettre en question sa connaissance pratique de la course à pied.
En clair, le stretching avant, pendant ou directement après, on évite : ça n'aura aucune incidence sur la prévention des blessures ou des courbatures, mais par contre, ça risque de vous rendre moins performant… et potentiellement d'augmenter votre risque de blessure.
Par contre, programmer des séances d'étirements dans la semaine peut vous faire du bien, d'abord au moral, avec une session d'activités de faible intensité, mais aussi aider à gagner en souplesse, ce qui peut être bénéfique pour certaines situations techniques, ou pour améliorer votre vitesse.
PS : toutes les photos viennent de Mathematical recreations and essays
PS2 : bien entendu, toutes les remarques sur mon professeur de sport sont à prendre sur le ton de l'humour 😉