[C'est arrivé près de chez vous] Trail de Meribel 2022
Les plus assidus d'entre vous se rappellent qu'en 2021, j'avais sacrifié (pour la bonne cause) une journée de mes vacances en Savoie pour me rendre à Méribel, et affronter son célèbre Kilomètre vertical. Une épreuve que j'avais passée 1h10 à détester de tout mon être, avant d'avoir envie de remettre le couvert à peine 10 minutes après avoir franchi la ligne d'arrivée (classique).
Début 2022, une idée germe : revenir cet été, et voir si mon temps sur cette épreuve de l'enfer s'améliore.
- Problème : cela fait un peu trop de route depuis Rennes pour 1h d'épreuve.
- Solution : combiner le KV avec le 50km du lendemain. Un gros chantier, mais qui rentabilisait l'aller-retour depuis la Bretagne.
Étape 1 : remettre le pied à l'étrier, ou l'impact du groupe
Nope, pas envie
Quelques jours avant la course pourtant, voilà que le moral baisse et une soudaine envie d'annuler me prend : ma cheville capricieuse a fait des siennes début juin suite à une chute, et j'ai du mal à remettre le pied à l'étrier — pas beaucoup couru cet été, la cheville apparaît toujours sensible, les jambes ne sont pas là, il fait une chaleur de l'enfer partout en France, le trajet s'annonce plus complexe qu'imaginé… L'envie de se battre n'est pas au rendez-vous, surtout quand on pense au profil de la course : 50km / 4200m de D+ annoncés dans les montagnes, on ne parle pas d'une balade de santé.
Et c'est reparti pour un tour !
Ma chérie me motive malgré tout à y aller : quoi qu'il arrive, je passe un week-end à la montagne, quitte à changer pour ne courir que le 25, voire ne pas courir du tout. Mais au moins, partir prendre l'air.
Et là soudain, le jeudi avant de partir, je découvre qu’un pote me fait la surprise de venir me rejoindre à Méribel pour courir avec moi le KV + 50k. Me voilà remotivé comme jamais à entamer le voyage !
Étape 2 : “On dit Course Verticale”, ou comment monter “dré dans l'pentu”
Bonjour Savoie
Je pose mes valises dans la belle ville savoyarde après un (très) long trajet en train, remonté à bloc pour en découdre avec la “Course Verticale” de Méribel — il parait qu'on ne dit plus “Kilomètre Vertical” maintenant. Malgré ce changement d'état civil, le concept reste le même : une course où l'on va faire un kilomètre de D+. Et comme disait l'autre, qu'importe le flacon, tant qu'on a l'ivresse.
Petite spécificité de 2022, par rapport à l'année dernière : le KV de Méribel est le support des championnats de France de Course Verticale. Autant prévenir tout de suite, on risque d'avoir une belle brochette de chamois. Les licenciés FFA se disputeront le titre en partant une demi-heure après les inscrits “open”, ce qui permettra au moins de ne pas se marcher sur les pieds.
L'objectif de 2022, lorsque je me suis inscrit en juin, était de me donner une idée de ma progression en grimpette — est-ce que les séances de côtes ont payé ? est-ce que j'ai bien fait de suivre le programme du Club du Grimpeur cet été ? est-ce que toutes ces heures à faire le hamster dans les côtes bretonnes ont été vaines ?
Pour répondre à ce mystère, le KV de Méribel est l'outil parfait : de la montée pure, rien que de la montée, et j'avais un temps de référence de l'année passée, 1h10. Mon but : faire mieux. Mon but secret : faire moins d'une heure. Mon but secret numéro 2 : rebooster mon moral de traileur qui avait été un peu mis à mal ces dernières semaines.
3, 2, 1… go !
Samedi matin, nous voilà devant l'arche du départ. Le temps s'annonce parfait, il est 10h du matin (ou presque) et il semble qu’on va éviter les fortes chaleurs qui auraient pu nous couper le souffle — ça, c'est l'altitude qui va s'en charger.
Coup de feu, départ en groupe pour la bande de 113 coureurs venus se casser les mollets dans une course de 1000m de D+ pour 2km60 et des poussières. Ils seront 170 sur le championnat de France, pas mal pour une discipline montagnarde confidentielle.
La course est telle que je me la rappelle : dure. Courte, mais dure. Il va me falloir tout donner pour passer sous les 60 minutes. Je lève les yeux un instant vers le sommet. C'est décidé, je ne vais pas me laisser abattre. Je vais tirer sur les mollets, pousser sur les bâtons, et advienne que pourra.
J'entame une première moitié de course à environ 5 minutes les 100m de D+. Sachant que la seconde partie de la course est la plus dure, les calculs sont bons Kévin, je devrais tenir en moins d'une heure. À un peu moins de 30 minutes, je dépasse le panneau des 500m restants, je profite des quelques parties plates pour faire redescendre le cardio, et je repars de plus belle.
Pierriers, escaliers, je continue d'avancer en essayant de mettre en pratique les mouvements de bâtons appris en stage de trail. Pas de doute, et je le confirmerai le lendemain : une bonne technique avec les bâtons fait gagner en temps et en effort.
Résultat des courses : 59'50 à la montre, et 59'57 officiel. Car non, ce n'est pas le dernier drapeau qui marque la fin officielle, mais bien le bénévole qui “bippe” les dossards. Qu'importent quelques secondes, je verse une petite larme, heureux d'avoir atteint mon objectif. 67e sur 113, un parfait temps de milieu de peloton.
Contemplons un instant les temps des premiers : 35:41 à l'open, 34:48 en CDF. Incroyable.
Étape 3 : “T'inquiète c'est roulant”, ou comment passer 12h dans la caillasse
Ma morning routine : une bonne dose de D+
L'objectif du second jour était moins ambitieux : pas de temps, pas de classement, finir sera déjà une belle réussite.
Le réveil sonne à 04h45. L'appart loué pour l'occasion est à 300m (littéralement) de la ligne de départ, ce qui permet de gagner du temps de sommeil, même si ce dernier est de toute façon assez court — ce n'est déjà pas facile de dormir correctement chez moi, alors à l'extérieur… pas grave, on finit par s'y habituer.
Petit-déjeuner avalé, café bu, dernier check du matos, tout est prêt. On part poser nos baskets sous l'arche du départ. 3, 2, 1, le coup de feu signalant le départ (et le réveil des voisins) retentit, nous voilà lancés pour une journée dans la montagne. Enfin, une journée pour moi, une demi-journée pour les premiers.
Jusqu'ici, tout va bien.
Meribel -> Plateau du Fruit
On monte notre premier col à la lumière de la frontale, le soleil se levant tranquillement sur la Savoie alors que nous mangeons nos premiers 1000m de D+ — départ de la course à 1800m, pour rejoindre 2700m au Roc des 3 Marches, en passant par le col de la Tougnète. Parfait pour le petit-déjeuner.
Direction maintenant le Mont Vallon, et là les choses sérieuses commencent : nous avons eu le droit à quelques pierriers jusqu'ici, mais nous sommes à deux doigts de manger notre première grosse dose de caillasses — les montées et descentes s’enchaînent et on tente de survivre en nageant à contre-courant dans des rivières de pierres. En bonus, la pluie vient de se lever. Il est 09h du mat, elle aura du mal à nous quitter avant 14h.
En bon breton, la pluie ne me fait pas peur, j'enfile un Kway, visse ma casquette du Glazig un peu plus fort sur mon crâne, et je continue d'avancer. Descendre s'annonce un peu plus périlleux que monter avec l'humidité ambiante. On continue, doucement mais sûrement.
Jusqu'ici, tout va bien.
Plateau du Fruit -> Col de la Loze
Un peu avant le kilomètre 20, il faut prendre un détour : le Col du fruit a été retiré du parcours pour cause d'orage, on nous fait donc passer par le même parcours que les concurrents du 10 et du 25. Un vrai plaisir (non) de partager les chemins avec les fusées lancées sur des distances 5 fois plus courtes que la sienne. Heureusement, ce partage de trail ne s'éternise pas et nos chemins se séparent bientôt, alors que nous prenons tranquillement la route du col de la Loze.
Et voilà qu'en chemin, les balisages ont quasiment disparu : plus de panneaux, juste quelques coups de bombes à peinture sur le sol, dont je ne suis pas sûr si elles sont fraîches du matin ou non. Autour de moi, des vaches. Sur ma montre, le parcours indique que la route à suivre est celle qui est parallèle au chemin sur lequel je me trouve. Me voilà embrouillé sur la route à suivre, je fais demi-tour jusqu'au dernier point où j'ai vu un “vrai” balisage. Verdict : je ne m'étais pas perdu, et je venais de me rajouter 3 km d'aller-retour (mais quand on aime, on ne compte pas). Je reprends la direction du col, mes mollets ne me disent pas merci, et je regrette de ne pas pouvoir contempler l'horizon : le brouillard et les nuages couvrent la vallée. Il est temps de redescendre.
Jusqu'ici, tout va bien.
Col de la Loze -> Les Allues
Une fois le col de la Loze passé, la partie la plus “fun” de la course commence : 10 foutus kilomètres de descente, où on va perdre 1400m de dénivelé. Si vous avez eu mal rien qu'à lire cette phrase, dites-vous que c'est aussi horrible que ça en a l'air.
Là, je réalise que je suis un peu short sur la barrière horaire, et qu'il va falloir taper dedans si je veux être dans les temps. J'essaie d'accélérer le pas, les doigts de pieds tapent dans le fond de la chaussure, je me rappelle toutes les fois où je n'ai pas écouté les copains qui m'ont dit d'aller faire une pédicure (promis en rentrant j'y vais). Même si après tout, je ne suis plus à un ongle noir près.
La première partie de la descente n'est pas des moins techniques : 2 ou 3 km de pierrier, qui, rappelons-le, sont TREMPÉS. La pluie a commencé à diminuer mais tout est humide.
La seconde partie se fait toujours en descente mais dans une forêt de sapins, un terrain que je maîtrise déjà un peu plus, et qui me rappelle la Bretagne. J'accélère, et je double un coureur qui s'interroge sur la barrière horaire. “Ça va être short, il nous reste 55 minutes pour faire 5km”. (Une phrase qui paraitra surement cosmique à tous les coureurs sur route qui me liront.)
J'arrive tant bien que mal au ravito des Allues, 15 minutes avant la barrière horaire. Cris de joie, gros mots, banane et chocolat, et c'est reparti pour un tour.
Jusqu'ici, tout va bien.
Les Allues -> Charbouille
Difficile de reprendre la route après avoir bien donné dans la descente, qui a eu raison de mes cuisses et d'à peu près tout ce que j'avais à donner. J'attaque une nouvelle montée bien sèche, en tentant de retrouver du jus. Marche, marche, marche, pause. Marche, marche, marche, pause. Je reprends mes esprits : la fin de la course est plus généreuse sur la barrière horaire.
Au loin, un coureur, que je rejoins doucement. On discute en tenant un bon rythme de marche jusqu'à l'avant-dernier ravito. “À cause des orages, vous n'allez pas avoir à monter le prochain col” nous lance le bénévole. Une nouvelle qui fait autant de bien qu'une poche de glace sur une cheville enflée.
La route se poursuit donc sur un chemin de montagne, avec ses hauts et ses bas, et j'arrive à enchaîner quelques kilomètres en courant jusqu'au ravito suivant. Là m'attend mon pote qui avait abandonné quelques heures plus tôt. Il me refile un t-shirt sec, me raconte quelques blagues, et annonce aux trois coureurs sur place (nous sommes les trois derniers de la course) qu’il ne reste que 4km, avec 400m de D+. Une marche de santé.
Jusqu'ici, tout va bien.
Charbouille -> Méribel
J'entame cette dernière partie avec Sebastien, un rennais rencontré sur la course — “passons l'arche en même temps, entre bretons". Nous voilà partis, clopi-clopant, jusqu'à Méribel. Quelques derniers kilomètres que nous faisons avec une seule phrase en tête : “vivement l'arrivée”. Nous passons sous l'arche ensemble. Le speaker nous tend une bouteille de bière : “le lot prévu pour les derniers” ! Derniers, mais qu'importe — quelle fierté d'être finisher.
Photo via https://www.pixalpes.com/
12h00, c'est le temps qu'il m'aura fallu pour terminer ce monstre. Un tour complet de l'horloge pour une course de montagne, une vraie. Technique, brutale, avec des barrières horaires relativement courtes, qui met à rude épreuve les mois d'entrainement. Une course qui n'est définitivement pas simple — sur 110 partants, 13 auront abandonné en cours de route. 10%.
Ce qu'il aura manqué ? Deux cols, tout de même (merci la météo). Il va falloir revenir pour faire la version complète !
Comme d'hab, la course se retrouve sur mon Strava :