đ Born to Run
Le seul problĂšme, avec la lecture, c'est que l'on ne peut pas le faire en mĂȘme temps que la course Ă pied. Enfin, on peut sĂ»rement, si on court sur un tapis. Mais si ça arrive, on se retrouve avec un nouveau problĂšme : celui d'ĂȘtre en train de courir sur un tapis. Tiens d'ailleurs, vous saviez qu'il y a des records du monde de course sur tapis ?
Les 100 miles les plus rapides ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s en 2014, en 14:15:08. Dans la mĂȘme sĂ©rie, il y a aussi un record de la plus longue course Ă cloche-pied sur un tapis de course… pendant 8 minutes, Ă 6.5 km/h. Rien que ça. Quelqu'un s'est levĂ© un matin en se disant “ChĂ©rie, prends ton sac, je dois aller Ă©crire mon nom dans le Guiness Book, catĂ©gorie course Ă cloche-pied”.
Quant au record de la plus longue distance en 24 heures sur un tapis, c'est un Norvégien qui le détient : 264 km. Non mais vous vous imaginez, courir pendant 24h sur un tapis ? Qu'est-ce qu'on peut bien faire pendant un tour complet d'horloge sur un tapis pour s'occuper l'esprit ?
Non mais… Attendez, de quoi on devait parler dĂ©jĂ ?
Ah oui, de Born to Run.
Born to Run
L'automne dernier, je me suis offert un exemplaire de Born to Run (quelle folie), publié en 2009 et écrit (quelques années plus tÎt, j'imagine) par l'américain Christopher Mcdougall.
Born to Run fait partie de ces bouquins de référence dans le petit monde de la course à pied, et je voulais en avoir le coeur net : pourquoi, oh pourquoi la critique et les runners de tous bords en font-ils l'éloge de maniÚre quasi unanime ?
Au fil des pages, j'ai rapidement compris pourquoi : à la croisée du récit d'aventure, de l'étude sociologique et historique, du journalisme scientifique et de la déclaration d'amour, l'ouvrage de l'américain ne laisse pas indifférent quiconque aimant de prÚs ou de loin la course à pied.
“How come my foot hurts?"
Comme toutes les bonnes histoires, Born to Run commence par une anecdote, un petit rien, une question vieille comme le monde qui parlera aux runners de tous niveaux : “Mais pourquoi j'ai mal au pied ?".
Cette interrogation est le point de dĂ©part de l'ouvrage, et s'en suit une quĂȘte de rĂ©ponse qui dĂ©butera dans les cabinets de mĂ©decins spĂ©cialisĂ©s, pour se terminer dans le Mexique profond, en compagnie des Tarahumara, une tribu sobrement appelĂ©e “meilleurs coureurs de tous les temps”.
Tout au long du chemin, des dĂ©tours vers les hauteurs avec l'ultra-trail de Leadville, des passages en clin d'Ćil sur de nombreux trails lĂ©gendaires, avant de se terminer au beau milieu de l'ultra trail organisĂ© par Caballo Blanco, gringo parmis les Tarahumara. Sur cette course incroyable s'affrontent lĂ©gendes Ă©tats-uniennes (en la personne de Scott Jurek), et les champions locaux de la tribu des Raramuri, l'autre nom des Tarahumara. Je vous laisse le plaisir de savoir comment cette course se termine, mĂȘme si moi j'avais trĂšs, trĂšs envie d'Ă©crire “SPOILER ALERT” dans ce billet de blog.
Ode au plaisir de courir
Ce que j'ai retenu le plus de cet ouvrage, c'est une vĂ©ritable dĂ©claration d'amour Ă la course Ă pied, dans ce que cette activitĂ© a de plus pur : des ĂȘtres humains, sur leurs deux pieds, en mouvement, en communion avec le monde.
Pas de technologie, pas de montre diffusant une position GPS toutes les secondes, pas de calcul de VMA, pas de prise de tĂȘte autour de la VO2 max. Courir pour vivre, et vivre pour courir. Retrouver le vĂ©ritable plaisir de la communion avec soi, avec le monde, le tout debout sur ses deux pieds.
Ode au minimalisme
Disclaimer : je suis loin d'ĂȘtre mĂ©decin ou encore spĂ©cialisĂ© sur ce domaine, donc ce qui suit ne doit en aucun cas ĂȘtre lu comme parole d'Ă©vangile.
L'autre point qui m'a beaucoup marquĂ©, c'est cette longue rĂ©flexion sur… les chaussures.
“Quoi… tout ça pour ça ?” Oui, attends, je dĂ©veloppe.
Entre visite chez les Tarahumara, meilleurs coureurs du monde portant aux pieds de simple sandales, discussions avec des mordus du running “barefoot”, et rencontres avec des mĂ©decins et des physiologistes, se construit la rĂ©flexion autour du rĂ©el besoin de la technologie, de la protection et de la correction que nous offrent nos chaussures modernes. Une rĂ©flexion qui se rĂ©sume parfaitement par cette phrase :
“In fact, there's no real evidence that running shoes are any help at all at injury prevention.”
— (En fait, il n'y a aucune preuve que les chaussures de running aident Ă prĂ©venir contre les blessures)
Pour compléter cette idée, l'auteur interview Dr Daniel Lieberman, professeur à l'Université d'Harvard :
“A lot of foot and knee injuries that are currently plaguing us are actually caused by people running with shoes that actually make our feet weak, cause us to overpronate, give us knee problems. Until 1972, when the modern athletic shoe was invented by Nike, people ran in very thin-soled shoes, had strong feet, and had much lower incidence of knee injuries.”
— (La majoritĂ© des blessures aux pieds et aux genoux que nous rencontrons aujourd'hui sont en fait causĂ©es par des chaussures qui rendent notre pied faible, gĂ©nĂšre une sur-pronation, et nous crĂ©e des problĂšmes aux genoux. Jusqu'en 1972, annĂ©e de l'invention des chaussures modernes par Nike, les gens couraient avec des chaussures Ă semelles fines, avaient des pieds plus forts, et bien moins de blessures aux genoux)
En clair, courir en protĂ©geant trop notre pied, c'est le rendre plus faible. Le rendre plus faible, c'est augmenter ses chances de blessures. De lĂ dĂ©coule l'idĂ©e que moins nos chaussures nous protĂšgent et nous corrigent, plus nos pieds sont forts. Plus ils sont forts, plus ils gagnent en contrĂŽle, permettant de prĂ©venir des blessures. Ainsi, on se retrouverait avec moins de blessures si nous faisons confiance au vĂ©ritable bijou de technologie : notre pied, que nous pouvons (devons ?) laisser courir libre, comme l'ont fait nos ancĂȘtres pendant des millions d'annĂ©es, jusqu'Ă ce que le marketing moderne s'empare du marchĂ© de la pompe de sport.
Ce qui m'a surpris, c'est cet argument disant qu’il n'y aurait rien, scientifiquement, qui prouve l'efficacitĂ© contre les blessures des chaussures ultra rembourrĂ©es, blindĂ©es de technologies et de corrections de la mort qui tue. C'est d'ailleurs ce qu'a conclu le Dr Richards dans sa publication “Is your prescription of distance running shoes evidence-based?":
“The prescription of (distance running shoes featuring elevated cushioned heels and pronation control systems tailored to the individualâs foot type) to distance runners is not evidence-based.” (https://bjsm.bmj.com/content/43/3/159.full)
Dans Born to Run, un chapitre complet est dĂ©diĂ© Ă cette question, que je vous laisserai dĂ©couvrir par vous mĂȘme – je ne pourrais pas rĂ©sumer efficacement l'ensemble des points soulevĂ©s dans l'ouvrage, toujours bien documentĂ© et s'appuyant sur des articles scientifiques et des discussions avec des professionnels.
FondĂ©, pas fondĂ©, ce point ? BiaisĂ©e, la vision de Chris ? Bonne question, mais elle m'a parlĂ©. Et une raison de plus (s'il en fallait encore une) pour enfin m'acheter des “Five Fingers” de chez Vibram – cela faisait plusieurs annĂ©es que l'idĂ©e me travaillait, je n'avais maintenant plus le choix que de me lancer !
Mais ça, j'en parlerais une autre fois…
Born to Run, of course, ça se chope sur les internets en VO ou en VF.